Mon ascension du Mont Toubkal
Lorsqu’on pense au Maroc, on pense aux dunes de sable orangées, aux médinas labyrinthiques, aux appels à la prière qui s’élèvent des mosquées, ou encore aux mosaïques fines de céramique bleutée. Une chose qui nous vient rarement à l’esprit, ce sont les journées en montagnes. Pourtant, la chaîne de montagne des Atlas est un petit trésor caché, encore peu touristique, qui vaut la peine d’être découvert.
J’y ai fait une randonnée de deux jours pour compléter l’ascension du mont Toubkal, le plus haut sommet d’Afrique du Nord. Bien que le niveau de complexité de l’ascension soit assez faible, il en reste tout de même qu’une préparation soit recommandée afin d’atteindre le sommet à 4 116 mètres d’altitude. Personnellement, c’était ma première randonnée de plusieurs jours. Je vous laisse le plaisir de découvrir mon niveau de préparation au cours de ce récit.
Le matin du départ
Ce matin-là, lorsque le cadran a sonné, j’ai ouvert les yeux pour découvrir que mon amie s’était réveillée en pleine nuit parce que son oeil pleurait et était enflé. Voilà un bon premier matin au Maroc!
Comme prévu, un guide est passé nous prendre pour nous conduire au petit village d’Imlil, à environ une heure de Marrakech, d’où nous partions pour deux jours de randonnée en montagne. Il n'était pas question de manquer cette sublime aventure, donc bien que mon amie est peine à ouvrir son oeil, elle avait décidé d’attendre notre retour de randonnée pour voir un médecin au besoin, si le problème ne partait pas de lui-même.
La première journée de l'ascension
À Imlil, nous avons rencontré notre guide de montagne et, après les explications d’usage, nous sommes parties pour l'ascension du Mont Toubkal. Pour cette première moitié de journée, tout s'est bien passé. Nous nous sommes arrêtées pour dîner, et puis nous sommes reparties dans le but d’atteindre le camp de base en fin d’après-midi. Plus nous avancions, plus le terrain devenait accidenté et il fallait faire attention où l’on mettait les pieds.
Environ une heure plus tard, toujours en pleine montée, toujours en terrain aussi escarpé, je commençais à fatiguer. Bien que j'avais déjà fait de la randonnée, plusieurs fois par mois en été, il faut comprend qu'il y a tout de même une marge entre les montagnes de Charlevoix et le Toubkal. C'est alors que chaque pas devenait difficile et je n’avais qu’une envie, c'était d'arriver au camp de base.
On m’avait prévenu de prendre garde aux signes du mal de l’altitude, mais même si je ne ressentais aucune nausée ni de mal de tête, chaque mouvement m’essoufflait. Et ce n’était que la première journée!
Lorsqu’on a enfin aperçu le camp de base, je n’arrivais même pas à me réjouir. Ça me demandait trop d’énergie! Et malgré que j’avançais, pas à pas, je n’avais pas l’impression d’approcher. Je peux vous garantir que je n’ai jamais été aussi contente de franchir un cadre de porte!
Ce soir-là, je n’ai pas réussi à avaler quoi que ce soit. J’étais épuisée… mais pas au point de combattre le décalage horaire apparemment.
Au moment de ce voyage, le Maroc avait six heures d’avance sur le Québec, ce qui veut dire que, bien qu’il était 21 heures, pour moi il en était à peine 15. J’ai eu beau compter jusqu’à 100 en français, en anglais, en espagnol, en allemand et en italien, me chanter des berceuses dans ma tête, me forcer à ne penser à rien, j’ai regardé l’heure pour la dernière fois vers une heure et demie du matin.
La deuxième journée
À deux heures trente, Mohamed, notre guide, est venu nous réveiller pour le départ. Après un petit déjeuner rapide, nous avons recommencé l’ascension. Malgré la courte nuit, j’arrivais à poser un pied devant l’autre.
Je dois vous préciser qu’avant notre départ, nous avions demandé à quelle température nous serions confrontées pendant la randonnée. La réponse était : environ zéro degré Celsius au sommet. En étant de bonnes Canadiennes qui n’ont absolument pas peur du froid, nous étions armées d’un manteau d’automne, de leggings, d’une tuque et de gants magiques. C'était l’habillement parfait pour la température indiquée ! Cependant, je peux vous dire que rendu là, en pleine nuit et en altitude, au mois d’octobre, ça ressemblait plus à du -20 degrés Celsius. Pour vous donner une idée, après deux heures d’une ascension qui devait en durer quatre, je ne pouvais déjà plus bouger mes lèvres et j’avais du givre dans les cils.
À environ 100 mètres du sommet, nous avons décidé que c’était assez. Les nuages commençaient à entourer le sommet, signifiant que nous n’aurions pas, de toute façon, la vue souhaitée. En plus, le fait de continuer d'avancer aurait été dangereux. Malgré un peu de déception, nous avons rebroussé chemin.
La descente
En ce qui concerne la descente jusqu’au camp de base, je peux vous dire honnêtement qu’il m’en manque des bouts. Je me souviens avoir eu tellement froid que j’ai presque couru pour descendre. Avoir eu une luge, j’aurais sérieusement considéré l’utiliser.
Pour ceux qui n’ont jamais fait de randonnée en altitude, il y a quelque chose que vous devez savoir. Le but est de s’acclimater tranquillement à chaque hauteur. Bref, courir pour descendre, c’est aussi mauvais que courir pour monter. Je vous épargne les détails sordides, mais une chance que mon déjeuner était assez loin. J’ai dû m’asseoir pour éviter les étourdissements et, après avoir retiré ma tuque dans l’espoir que le froid aiderait à combattre les nausées, notre guide nous a expliqué que je souffrais du mal de l’altitude et qu’il fallait continuer à descendre, mais à une vitesse plus raisonnable.
J’ai finalement réussi à me rendre au camp de base et même à manger un morceau. C’est à ce moment dans notre histoire que je dois vous informer d’un détail. Je souffre de problèmes aux genoux. Ce n'est rien de très grave, et définitivement rien qui ne m’empêche de faire les activités que j’ai envie de faire, mais assez pour devoir soutenir mes genoux avec du ruban de physiothérapie lors de longues randonnées.
Apparemment, dévaler les pentes du Toubkal à toute vitesse n’était pas une activité très appréciée par mes genoux. Alors que le mal de l’altitude s’est estompé à mesure que nous avons redescendu la montagne, l’enflure de mes genoux est allée de mal en pire. Écoutez, je me sentais mal pour mon amie qui ne voyait toujours rien d’un oeil et je voulais l’accompagner dans ses souffrances. C’est gentil de ma part, non?
Par je ne sais quel miracle, nous avons réussi à nous rendre, par nos propres moyens, et sans avoir à se faire secourir, au village d’Imlil. Quelle histoire!
Mon ascension du Mont Toubkal (2ième version)
Ce matin-là, j’étais plus reposée que je l’avais été depuis des années. Comme prévu, un guide est passé nous prendre pour nous conduire au petit village d’Imlil, à environ une heure de Marrakech, d’où nous partions pour deux jours de randonnée en montagne.
Le paysage était si différent de tout ce dont j’avais l’habitude que je ne pouvais pas m’empêcher de tout observer avec intérêt. À Imlil, nous avons rencontré notre guide de montagne qui nous a servi le traditionnel thé à la menthe, tout en nous expliquant comment allait se dérouler les deux prochains jours.
Pour cette première moitié de journée, tout s'est bien passé. Nous avons monté tranquillement au creux d’une vallée où serpente une petite rivière d’eau turquoise et où s’étendent des vergers de pommiers. Nous nous sommes arrêtées pour dîner, puis nous sommes reparties, pleines d’énergie, dans le but d’atteindre le camp de base en fin d’après-midi. Bien que la randonnée n'ait pas été si facile, nous avons fini par atteindre le camp de base. Le camp était assez rustique, mais il y régnait un imposant feu de foyer qui chassait l’humidité et qui réchauffait tout le camp.
Après une courte nuit de sommeil et un petit déjeuner copieux, nous étions reparties…jusqu’à ce que nous passions la porte du camp. Automatiquement, mon amie et moi avonsfigé devant le spectacle. Pendant la nuit, la neige avait recouvert toutes les surfaces et, à cette heure du milieu de la nuit, dans cette montagne du bout du monde où la pollution lumineuse n’est qu’un concept lointain, toutes les étoiles de notre galaxie et probablement de quelques galaxies autour de nous étaient visibles. Je ne savais même pas qu’il était possible d’en voir autant de la Terre. Quel dommage qu’aucune photo ne puisse rendre justice à ce que nous avons vu, mais je garderai toujours cette image en mémoire.
Après avoir admiré les étoiles pendant un bon quinze minutes, nous sommes parties, direction le sommet du Toubkal. Nous avons traversé de petites rivières à la lumière de nos lampes frontales et nous avons poursuivi l’ascension. Le froid rendait la randonnée plus ardue que nous l’avions imaginé, mais nous avons tout de même atteint la crête du Toubkal, peu avant le sommet, d’où nous apercevions le soleil qui se levait doucement au-dessus des montagnes. Un deuxième spectacle magique en cette journée qui ne faisait que commencer.
Malheureusement, à environ 100 mètres du sommet, le froid et le vent, en plus des nuages qui commençaient à nous bloquer la vue, nous ont convaincus de rebrousser chemin. Mais je dois dire que, deux ans plus tard, je soutiens toujours que c’était la meilleure décision. Grâce à l’aide de notre guide, nous avons redescendu le Toubkal ce jour-là pour retourner à Imlil. Une belle expérience qui s’est bien terminée par un repas assez immense pour cinq personnes et une bonne et longue nuit de sommeil.
En conclusion
Pour ceux qui se demandent laquelle des deux versions est la vraie, je répondrai qu’elles le sont toutes les deux. Le voyage, c’est un peu ça, un juste mélange de magie et d’émerveillement, et de déceptions et de malchances. Bien que nous avons tendance à ne montrer que les magnifiques paysages et les moments soigneusement conçus, les erreurs et les blessures font aussi parties de l’histoire. Elles donnent les meilleures anecdotes, et font en sorte que nous ressortons grandis d’une expérience qui nous a testée et enseignée.
Pour ceux qui se demandent si je répèterais l’expérience, je répondrais que oui, mais pas de la même manière. Je suis déterminée à continuer à faire de la randonnée en voyage, mais la prochaine fois, je serai préparée physiquement et mentalement, et surtout, j’aurai l’équipement nécessaire à la réussite complète de ce périple.
Pour ceux qui se demandent ce qui s’est passé ensuite, rassurez-vous, mon amie a pu consulter un médecin qui a retiré le corps étranger qui s’était logé dans son oeil et, après des gouttes et une pommade, elle a retrouvé l’usage complet de son oeil. Pour ma part, l’un de mes genoux est resté enflé pendant environ deux semaines, au point où je ne pouvais pas du tout plier ma jambe. Un exercice intéressant dans les riads (anciennes maisons traditionnelles sur 4-5 étages qui servent d'hôtel) et qui n'ont pas d'ascenseur. Mais cela ne m’a pas empêché de profiter pleinement de mon voyage.